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0884 - ENR Russia Invest AG
Décision 884/01 du 7 octobre 2024
Offre publique d’acquisition de Valartis SA aux actionnaires de ENR Russia Invest SA – Annonce préalable, prospectus d’offre et rapport du conseil d’administration
Faits :
A.
ENR Russia Invest SA (ENR ou la société visée) est une société anonyme de droit suisse dont le siège se trouve à Genève et qui est inscrite au registre du commerce du canton de Genève sous le numéro CHE-113.649.972. ENR a pour but l’acquisition, la vente et la gestion, sous forme de participations à des sociétés, de tous types d’investissements, en particulier dans le domaine du capital-investissement (private equity), dans les pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI) et les Etats baltes. Son capital-actions s’élève à CHF 32'790'584.80, divisé en 2'644'402 actions au porteur, d’une valeur nominale de CHF 12.40 chacune, entièrement libérées (les actions ENR).
Les actions ENR sont cotées auprès de SIX Swiss Exchange (SIX) sur le segment Standard for Investment Companies (symbole de valeur : RUS ; ISIN : CH0034476959). Elles sont illiquides selon la Circulaire n° 2, du 26 février 2010, de la Commission des OPA (la Commission) : Liquidité au sens du droit des OPA.
L’art. 13 des statuts de ENR contient une clause d’opting out.
Le conseil d’administration de ENR se compose de Gustav Stenbolt (président) et Walter Fetscherin.
B.
Selon les informations disponibles auprès de l’Instance pour la publicité des participations de SIX Exchange Regulation, les actionnaires principaux de ENR sont les suivants :
- | Depuis le 21 août 2024, Valartis SA (Valartis ou l’offrante; cf. infra C), Valartis Group SA (Valartis Group ; cf. infra let. D) et ENR détiennent ensemble, comme actionnaires directs, 2'591'425 actions ENR, représentant 97.997% des droits de vote de ENR. Les ayants droit économiques de cette participation au sens de l’art. 10 al. 1 OIMF-FINMA sont Gustav Stenbolt, Genève, et Philipp LeibundGut, Zurich. |
C.
Valartis est une société anonyme de droit suisse dont le siège se trouve à Fribourg et qui est inscrite au registre du commerce du canton de Fribourg sous le numéro CHE- 112.324.510. Valartis a pour but l’acquisition, la vente et la gestion de participations dans des sociétés ou entreprises de tout genre, en Suisse ou à l’étranger. Son capital-actions s’élève à CHF 100'000, divisé en 1'000 actions nominatives, d’une valeur nominale de CHF 100 chacune.
D.
Valartis est une filiale entièrement détenue par Valartis Group, dont le siège est à Fribourg et qui est inscrite au registre du commerce du canton de Fribourg sous le numéro CHE-101.833.144. Le but de Valartis Group consiste en l’acquisition, la vente et la gestion de participations en Suisse ou à l’étranger. Le capital-actions de Valartis Group s’élève à CHF 3'023'295, divisé en 3'023'295 actions nominatives, d’une valeur nominale de CHF 1 chacune. Les actions de Valartis Group sont cotées auprès de SIX sur le segment International Reporting Standard (symbole de valeur : VLRT ; ISIN : CH0367427686).
Valartis Group est contrôlée à concurrence de 68.8% de son capital-actions et de ses droits de vote par MCG Holding SA (MCG Holding), dont le siège est à Baar et qui est inscrite au registre du commerce du canton de Zoug sous le numéro CHE110.364.007. Les actionnaires de MCG Holding sont Gustav Stenbolt et Philipp LeibundGut, avec des participations respectives de 80.23% et 19.77% des droits de vote de cette société.
E.
Le 17 septembre 2024, Valartis et ENR ont conclu un accord de transaction fixant les termes et conditions d’une offre publique d’acquisition présentée par Valartis aux actionnaires de ENR. Cet accord prévoit également l’engagement du conseil d’administration de ENR de soutenir l’offre de Valartis. L’offre présentée par Valartis aux actionnaires de ENR a pour but le retrait de la cotation des actions ENR.
F.
Le 18 septembre 2024 avant 7h30, Valartis a publié l’annonce préalable d’une offre publique d’acquisition portant sur toutes les actions ENR en mains du public. Son prix s’élève à CHF 5.60 par action ENR.
G.
Au jour de la publication de l’annonce préalable, la participation de Valartis et des personnes agissant de concert avec elle dans ENR s’élève à 98.2% du capital-actions et des droits de vote de ENR.
H.
Le 25 septembre 2024, Valartis a saisi la Commission d’une requête en constatation de la conformité de son offre avec les dispositions légales et réglementaires en matière d’offres publiques d’acquisition. Elle a également conclu à une réduction à dix jours de bourse de la durée minimale de son offre, conformément à l’art. 14 al. 3 OOPA.
I.
Le 26 septembre 2024, la Commission a transmis la requête de Valartis à ENR pour déterminations.
Le 27 septembre 2024, ENR a renoncé à une prise de position formelle mais a exprimé son soutien aux conclusions prises dans la requête de Valartis (cf. supra let. H).
J.
Le prospectus de l’offre de Valartis, le rapport du conseil d’administration de ENR et une attestation d’équité (Fairness Opinion) établie par The Corporate Finance Group SA (TCFG) ont été soumis à la Commission pour examen.
K.
Une délégation de la Commission formée de Mirjam Eggen (présidente), Jean-Luc Chenaux et Mario Rossi a été constituée pour se prononcer sur l’offre publique d’acquisition portant sur les actions ENR.
Droit :
1. Annonce préalable et publication du prospectus
[1] Selon l’art. 5 al. 1 OOPA, l’offrant peut annoncer une offre avant la publication du prospectus. La publication doit intervenir au minimum 90 minutes avant l’ouverture ou après la clôture du négoce à la bourse à laquelle les titres de participation de la société visée sont cotés (art. 7 al. 2 OOPA). L’annonce préalable doit être diffusée en langues française et allemande (art. 6 al. 1 OOPA). Si la diffusion intervient dans une autre langue, cette version doit être conforme aux textes français et allemand, et tous les documents de l’offre doivent également être rédigés dans cette langue (art. 6 al. 2 OOPA). Les effets liés à la publication de l’annonce préalable sont fixés à l’art. 8 OOPA. L’art. 8 al. 1, 1ère, OOPA dispose par ailleurs que le prospectus doit être publié dans les six semaines à compter de la publication de l’annonce préalable.
[2] En l’espèce, l’annonce préalable, diffusée en langues française, allemande et anglaise, contient les indications exigées à l’art. 5 al. 2 OOPA et respecte les exigences de l’art. 6 OOPA. Elle a été rendue accessible sur un site Internet dédié à l’offre, et communiquée aux principaux médias visés par l’art. 7 al. 1 let. b OOPA (en relation avec la Circulaire n° 4, du 20 novembre 2015, de la Commission : Communication aux principaux médias), ainsi qu’à la Commission le 18 septembre 2024 avant 7h30, soit plus de 90 minutes avant l’ouverture du négoce à la SIX, dans le respect des exigences de l’art. 7 al. 2 OOPA. L’annonce préalable produit donc valablement ses effets à compter du 18 septembre 2024. Pour autant que la publication du prospectus intervienne avant le 30 octobre 2024, comme le prévoient l’annonce préalable et le prospectus de l’offre de Valartis, le délai de six semaines de l’art. 8 al. 1, 1ère, OOPA est par ailleurs respecté.
2. Objet de l’offre
[3] Selon l’art. 127 al. 2 LIMF, l’offrant doit traiter sur un pied d’égalité tous les détenteurs de titres de participation de la même catégorie. Concrétisant ce principe, l’art. 9 al. 2 OOPA dispose que l’offre doit porter sur toutes les catégories de titres de participation cotés de la société visée.
[4] En l’espèce, l’offre publique d’acquisition de Valartis porte sur toutes les actions ENR qui ne sont pas actuellement détenues par Valartis, ENR et les autres personnes agissant de concert avec Valartis dans le cadre de l’offre. Elle porte donc sur 44'369 actions ENR.
[5] Les exigences de l’art. 9 al. 2 OOPA sont ainsi respectées.
3. Offre volontaire
[6] Lorsque l’offrant ou les personnes agissant de concert avec lui acquièrent, directement ou indirectement, des titres de participation lui permettant de franchir le seuil de 33⅓% des droits de vote (même non susceptibles d’exercice) de la société visée, l’offrant est tenu de présenter une OPA pour tous les titres de participation cotés de cette société (art. 135 al. 1 LIMF) et de respecter les règles sur le prix minimum de l’offre (art. 135 al. 2 LIMF en relation avec les art. 42 – 47 OIMF-FINMA). Ces règles trouvent également application dans l’hypothèse d’une offre volontaire visant des titres de participation dont l’acquisition permettrait à l’offrant de franchir le seuil imposant une offre obligatoire (art. 9 al. 6 OOPA). Les sociétés cotées peuvent supprimer ces obligations en adoptant dans leurs statuts une clause d’opting out (art. 125 al. 3 et 4 LIMF).
[7] Au jour de la publication de l’annonce préalable, la participation détenue par Valartis et les personnes agissant de concert avec elle dans la société visée représentait 98.2% du capital-actions et des droits de vote de ENR (cf. supraG). L’offre volontaire de Valartis n’est pas soumise aux règles sur le prix minimum, car elle ne conduit pas au franchissement du seuil de 33⅓% des droits de vote de ENR. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de la validité de la clause d’opting out contenue dans les statuts de ENR (cf. supra let. A).
[8] Il découle de ce qui précède que Valartis est libre de fixer le prix de son offre (art. 9 al. 5, 1ère, et al. 6 a contrario OOPA). Par ailleurs, en dépit du caractère illiquide des actions ENR (cf. supra let. A), une évaluation de l’entreprise par l’organe de contrôle (cf. art. 42 al. 4 OIMF-FINMA) n’est pas exigée.
4. Action de concert dans le cadre de l’offre
[9] Dans le cadre d’une offre et en relation avec l’art. 127 al. 3 LIMF, l’art. 12 al. 1 OIMF-FINMA s’applique par analogie à quiconque agit de concert avec l’offrant ou forme un groupe organisé avec lui (art. 11 al. 1 OOPA). Les personnes qui agissent de concert avec l’offrant dans le cadre de l’offre en vertu de l’art. 11 OOPA sont soumises aux devoirs découlant de l’art. 12 OOPA. Il incombe à l’organe de contrôle, en l’espèce Ernst & Young SA (Ernst & Young), de vérifier le respect de ces règles (art. 28 OOPA).
[10] Selon la pratique de la Commission, les personnes morales que l’offrant contrôle directement et indirectement, les actionnaires qui dominent l’offrant directement et indirectement, et les personnes morales que ces actionnaires contrôlent directement et indirectement sont notamment réputés agir de concert avec l’offrant dans le cadre de l’offre (cf. décision 856/02 du 29 novembre 2023 dans l’affaire Crealogix Holding AG, consid. 3.2 ; décision 849/03 du 27 septembre 2023 dans l’affaire Schaffner Holding AG, consid. 3.2). Par ailleurs, la société visée et les personnes morales qu’elle contrôle directement ou indirectement sont réputées agir de concert avec l’offrant lorsque celui-ci conclut un accord de transaction avec la société visée dans un contexte amical (cf. décision 849/03 du 27 septembre 2023 dans l’affaire Schaffner Holding AG, consid. 3.2).
[11] En vertu de l’art. 19 al. 1 lit. d OOPA, l’offrant doit publier dans le prospectus des indications sur les personnes qui agissent de concert avec lui. Selon la pratique, toutes les sociétés contrôlées par l’offrant et qui agissent de concert avec lui ne doivent pas nécessairement être énumérées dans le prospectus, pour autant que l’organe de contrôle dispose d’une liste complète de ces sociétés (cf. décision 856/02 du 29 novembre 2023 dans l’affaire Crealogix Holding AG, consid. 3.3).
[12] En l’espèce, Valartis Group, qui contrôle intégralement Valartis (cf. supraD), MCG Holding, qui détient une participation majoritaire dans Valartis Group (id.), ainsi que Gustav Stenbolt et Philipp LeibundGut, qui contrôlent intégralement MCG Holding (id.), agissent de concert avec Valartis. Par ailleurs, Valartis agit de concert avec ENR, qu’elle contrôle à hauteur de 98.2% des droits de vote (cf. supra let. G) et avec qui elle a au surplus conclu un accord de transaction (cf. supra let. E). Les sociétés que ENR contrôle directement ou indirectement agissent également de concert avec Valartis, de même que les sociétés que cette dernière contrôle directement ou indirectement.
[13] Le prospectus de l’offre contient les indications requises sur les personnes qui agissent de concert avec Valartis dans le cadre de l’offre (cf. prospectus, let. C ch. 3). Par ailleurs, Ernst & Young a confirmé avoir reçu de Valartis une liste des personnes agissant de concert avec cette dernière. Les exigences de l’art. 19 al. 1 let. d OOPA sont donc respectées.
5. Best Price Rule
[14] Selon l’art. 10 al. 1 OOPA, si l’offrant ou des personnes qui agissent de concert avec lui acquièrent des titres de participation de la société visée à un prix supérieur à celui de l’offre dès la publication de l’offre ou de son annonce préalable, et pendant les six mois qui suivent l’échéance du délai supplémentaire d’acceptation, ce prix doit être étendu à tous les destinataires de l’offre (Best Price Rule). Cette règle est également applicable à l’acquisition d’instruments financiers (art. 10 al. 2 OOPA).
[15] L’organe de contrôle vérifie et atteste du respect de cette règle pendant la durée de l’offre (art. 28 al. 1 lit. d OOPA) et, s’il a des raisons de penser que des violations de la loi sur l’infrastructure des marchés financiers, de ses ordonnances d’exécution ou des décisions de la Commission relatives à l’offre sont intervenues après la publication de celle-ci, le signale sans délai à la Commission et lui adresse un rapport spécial (art. 29 al. 2 OOPA). Il établit un rapport intermédiaire après l’exécution de l’offre, puis un rapport final au terme des six mois qui suivent l’échéance du délai supplémentaire d’acceptation.
[16] En l’espèce, la Commission impartit à Ernst & Young un délai d’un mois pour lui remettre son rapport final (cf. art. 28 al. 2 OOPA). Ce délai court à compter de l’expiration des six mois qui suivent l’échéance du délai supplémentaire d’acceptation de l’offre.
6. Condition de l’offre
[17] Selon l’art. 8 al. 1 OOPA, l’offrant doit publier un prospectus d’offre respectant les termes de l’annonce préalable dans les six semaines qui suivent la publication de l’annonce préalable. En l’espèce, la condition contenue dans le projet de prospectus soumis à l’examen de la Commission figure également dans l’annonce préalable.
[18] L’offre est subordonnée à la condition qu’aucun tribunal ni aucune autorité n’ait rendu de décision ou d’ordonnance empêchant, interdisant ou déclarant illicite l’exécution de cette offre (cf. prospectus, let. B ch. 6).
[19] Pour être admissible, une condition doit répondre à un intérêt justifié de l’offrant (art. 13 al. 1, 1ère, OOPA), ne pas être potestative (art. 13 al. 2 OOPA), être rédigée de façon transparente et précise, et ne pas être entachée de déloyauté (cf. décision 883/01 du 25 septembre 2024 dans l’affaire Athris AG, consid. 5 et les références citées).
[20] Selon la pratique de la Commission, la condition contenue dans le prospectus de l’offre est admissible au regard de l’art. 13 OOPA et elle a effet jusqu’à l’exécution de l’offre (cf. décision 883/01 du 25 septembre 2024 dans l’affaire Athris AG, consid. 5 et les références citées).
7. Actionnaires de référence de l’offrante
[21] En vertu de l’art. 19 al. 1 let. b OOPA, le prospectus contient des informations sur l’identité des actionnaires ou des groupes d’actionnaires qui détiennent plus de 3% des droits de vote de l’offrant et il indique le pourcentage de leur participation respective. Cette exigence s’applique tant aux actionnaires directs qu’aux ayants droit économiques (cf. décision 883/01 du 25 septembre 2024 dans l’affaire Athris AG, consid. 6 et les références citées).
[22] En l’espèce, le prospectus comporte les indications exigées par la loi (cf. prospectus, let. C ch. 2).
8. Rapport du conseil d’administration
8.1 Fondements légaux et réglementaires
[23] Aux termes de l’art. 132 al. 1, 1ère, LIMF, le conseil d’administration de la société visée publie un rapport dans lequel il prend position sur l’offre ; les informations qui y figurent doivent être exactes et complètes (art. 132 al. 1, 2èmephr., LIMF). Ce rapport a pour but principal de fournir aux actionnaires toutes les informations nécessaires pour leur permettre de prendre leur décision en toute connaissance de cause (art. 30 al. 1, 1ère phr., OOPA).
8.2 Recommandation et conflit d’intérêts
8.2.1 Dispositions applicables et pratique de la Commission
[24] Selon l’art. 30 al. 3 OOPA, le rapport du conseil d’administration de la société visée peut recommander d’accepter l’offre ou de ne pas l’accepter. Il peut également en exposer les avantages et les inconvénients sans émettre de recommandation.
[25] Afin de fournir une appréciation utile aux actionnaires, le conseil d’administration doit être en mesure de rédiger son rapport de manière indépendante par rapport à l’offre et de présenter des informations objectives (cf. décision 883/01 du 25 septembre 2024 dans l’affaire Athris AG, consid. 7). Le rapport doit notamment préciser si certains membres du conseil d’administration ou de la direction supérieure présentent un conflit d’intérêts, et fournir des informations y relatives (art. 32 al. 1 OOPA).
[26] L’art. 32 al. 2 OOPA contient une liste non exhaustive de situations dans lesquelles l’existence d’un conflit d’intérêts est présumée et qui doivent être expressément révélées dans le rapport du conseil d’administration. Parmi elles figurent l’existence de rapports contractuels ou d’autres liens particuliers entre un administrateur et l’offrant (let. a), l’élection ou la réélection d’un administrateur sur proposition du second (let. b et c ; à ce sujet, voir décision 883/01 du 25 septembre 2024 dans l’affaire Athris AG, consid. 7.1.1 ; ég. décision 872/01 du 30 mai 2024 dans l’affaire Lalique Group AG, consid. 7.1.1), la qualité d’organe ou d’employé assumée par un administrateur au sein de l’offrant (let. d), ou l’exercice du mandat d’un administrateur sur instructions de l’offrant (let. e).
[27] Selon la pratique de la Commission, lorsque la société visée dispose d’un actionnaire majoritaire, même les membres du conseil d’administration de la société visée qui sont de fait indépendants se trouvent, à tout le moins potentiellement, dans une situation de conflit d’intérêts (cf. décision 883/01 du 25 septembre 2024 dans l’affaire Athris AG, consid. 7.1.1 ; décision 872/01 du 30 mai 2024 dans l’affaire Lalique Group AG, consid.7.1.1).
[28] En présence de conflits d’intérêts, le conseil d’administration de la société visée doit adopter des mesures afin d’éviter que ceux-ci ne lèsent les intérêts des destinataires de l’offre (art. 32 al. 4 OOPA). Selon la pratique de la Commission, les mesures susceptibles de désamorcer ces conflits consistent dans la récusation des administrateurs confrontés à un conflit d’intérêts, la formation d’un comité indépendant du conseil d’administration de la société visée, constitué d’au moins deux administrateurs indépendants, ou l’établissement d’une attestation d’équité (Fairness Opinion; cf. décision 883/01 du 25 septembre 2024 dans l’affaire Athris AG, consid. 7.1.1 ; décision 872/01 du 30 mai 2024 dans l’affaire Lalique Group AG, consid.7.1.1).
8.2.2 Analyse au cas d’espèce
[29] Le conseil d’administration de ENR se compose de Gustav Stenbolt (président) et Walter Fetscherin (cf. supra A). Gustav Stenbolt est l’un des deux ayants droit économiques de l’offrante (cf. supra let. D) ; il est également membre du conseil d’administration de ENR et de Valartis Group (cf. rapport du conseil d’administration, ch. 4). Il est donc exposé à un conflit d’intérêts au sens de l’art. 32 al. 1 OOPA en raison notamment de son appartenance simultanée aux conseils d’administration de la société holding de l’offrante et de la société visée ainsi que de sa qualité d’actionnaire indirect de l’offrante. Walter Fetscherin a été élu au conseil d’administration de ENR sur proposition de l’offrante (id.) ; il est ainsi également exposé à un conflit d’intérêts au sens de l’art. 32 al. 1 OOPA. Le rapport du conseil d’administration fait état des conflits d’intérêts auxquels sont exposés Gustav Stenbolt et Walter Fetscherin (id.).
[30] Au sein de la direction générale de ENR, composée exclusivement de Ben de Bruyn, directeur général, le rapport du conseil d’administration précise que ce dernier a certes participé aux délibérations du conseil en lien avec l’offre, mais qu’il n’a pas été impliqué dans les décisions y relatives (cf. rapport du conseil d’administration, ch. 4). De plus, il n’a conclu aucun accord avec l’offrante ou les personnes agissant de concert avec elle, et aucun accord n’est prévu (id.).
[31] Le rapport du conseil d’administration détaille les mesures prises en raison des conflits d’intérêts auxquels les membres de ce dernier sont exposés, conformément à l’art. 32 al. 4 OOPA (cf. rapport du conseil d’administration, ch. 2a). Le conseil d’administration de ENR a chargé TCFG (cf. supra J) d’établir une Fairness Opinion en qualité d’expert indépendant particulièrement qualifié. Cette Fairness Opinion a servi de base à la recommandation du conseil d’administration aux actionnaires de ENR d’accepter l’offre, adoptée à l’unanimité de ses membres (cf. rapport du conseil d’administration, ch. 1).
[32] Le mandat donné à TCFG par le conseil d’administration de ENR d’établir une Fairness Opinion, laquelle fait partie intégrante du rapport de ce dernier, constitue une mesure adéquate et propre à désamorcer les conflits d’intérêts auxquels Gustav Stenbolt et Walter Fetscherin sont confrontés. Au demeurant, l’approche choisie par le conseil d’administration, consistant à s’exprimer sur l’offre et, se fondant sur la Fairness Opinion d’après laquelle les termes financiers de l’offre sont adéquats et équitables (cf. infra8.3), de recommander aux destinataires de celle-ci de l’accepter, est admise en pratique (cf. décision 872/01 du 30 mai 2024 dans l’affaire Lalique Group AG, consid. 7.1.2).
8.3 Fairness Opinion
[33] Le conseil d’administration de ENR a confié à TCFG la tâche de se prononcer sur l’équité financière de l’offre par une Fairness Opinion. Dans son rapport du 20 septembre 2024, TCFG a déterminé la valeur des actions ENR sur la base de la méthode des multiples basés sur des sociétés cotées comparables (Trading Multiples), y compris les ratios cours/valeur comptable, cours/bénéfice et valeur d’entreprise/chiffre d’affaires net de sociétés cotées comparables en termes de secteur d’activités et de modèle d’affaires (cf. Fairness Opinion, p. 11 ss). En l’occurrence, TCFG a retenu 60 sociétés ayant leur siège en Europe occidentale et actives dans le placement immobilier (Real Estate Investment Trusts ; id.).
[34] Faute de transactions comparables en nombre suffisant, la méthode fondée sur la valeur des transactions comparables (Transaction Multiples), brièvement évoquée dans le rapport de TCFG, n’a pas servi de base à l’évaluation (cf. Fairness Opinion, p. 3 et 15).
[35] Considérant que ENR est une société holding à activités restreintes, TCFG n’a pas procédé à l’évaluation selon la méthode d’actualisation des flux de trésorerie (Discounted Cash Flow) et n’a pas pris en compte les multiples d’exploitation (Operating Multiples) de la valeur d’entreprise tels que valeur d’entreprise/EBITDA (Earnings Before Interest, Tax, Depreciation and Amortization [bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements]) et valeur d’entreprise/EBIT (Earnings Before Interest and Taxes [bénéfice avant intérêts et impôts] ; cf. Fairness Opinion, p. 4).
[36] TCFG a procédé à l’évaluation de ENR sur la base des comptes intermédiaires et du budget 2024 de ENR. En prenant comme date de référence le 30 juin 2024, TCFG a abouti à une fourchette de valeurs comprise entre CHF 3.40 et CHF 5.90 par action ENR (cf. Fairness Opinion, p. 4). Se fondant sur les analyses et considérations présentées dans la Fairness Opinion, TCFG a conclu que le prix de CHF 5.60 par action ENR s’inscrivait dans la marge de fluctuation de l’évaluation et que l’offre était financièrement équitable au jour de la publication de l’annonce préalable (cf. Fairness Opinion, p. 4).
[37] Dans son analyse, TCFG a appliqué une décote de 37.9% aux multiples afin de refléter la prime de risque (Equity Risk Premium) des actions ENR (cf. Fairness Opinion, p. 13). Selon TCFG, « [b]ien qu’étant cotée en Suisse, ENR investit dans des actifs russes qui présentent un profil de risque différent et, par conséquent, se traduisent par une prime de risque lié aux actions plus élevée […] pour la Russie » (id.). Selon la Fairness Opinion, les risques afférents à la Russie concernent notamment les risques économiques et de croissance en Russie, les risques de dépréciation du Rouble, ou les risques bancaires, politiques, sociaux et réglementaires (id.). TCFG a calculé le montant de la décote « en comparant le coût des fonds propres en Europe occidentale (où les sociétés comparables sont cotées) avec le coût des fonds propres en Russie» (id.). TCFG a également appliqué une décote de 10% aux multiples afin de tenir compte de « la taille beaucoup plus réduite en termes de capitalisation boursière» de ENR par rapport au groupe de sociétés comparables (id.).
[38] Les informations, paramètres, méthodes et hypothèses d’évaluation utilisés par TCFG, ainsi que les conclusions de ses analyses sont présentés dans la Fairness Opinion de manière à permettre aux destinataires de l’offre de comprendre l’évaluation des actions ENR et de décider en toute connaissance de cause d’accepter ou de refuser l’offre de Valartis. Les décotes appliquées aux multiples sont par ailleurs documentées et circonstanciées.
[39] La Commission considère que la Fairness Opinion décrit de manière transparente, plausible et compréhensible les bases et les méthodes d’évaluation ainsi que les paramètres utilisés. La Fairness Opinion remplit donc les exigences de l’art. 30 al. 5 OOPA.
8.4 Absence de mesures de défense
[40] Aux termes de l’art. 132 al. 2 LIMF, dès la publication d’une offre, le conseil d’administration ne peut prendre de décisions sur des actes juridiques qui auraient pour effet de modifier de façon significative l’actif ou le passif de la société. De même, en l’absence d’une décision de l’assemblée générale, le conseil d’administration agit de manière illicite s’il adopte une mesure de défense figurant sur la liste de l’art. 36 al. 2 OOPA (art. 36 al. 2 i. OOPA). Le rapport du conseil d’administration indique, le cas échéant, quelles mesures de défense la société visée envisage de prendre ou a déjà prises, et quelles décisions ont été prises par l’assemblée générale en application de l’art. 132 al. 2 LIMF.
[41] Selon son rapport, le conseil d’administration de ENR n’a pas adopté de mesures de défense à l’encontre de l’offre de Valartis ; il n’a pas non plus l’intention d’en adopter ou d’en proposer lors d’une assemblée générale extraordinaire (cf. rapport du conseil d’administration, ch. 7).
8.5 Rapport annuel ou intermédiaire
[42] Selon la pratique de la Commission, le dernier jour du délai d’offre ne doit pas être postérieur de plus de six mois à la date de clôture des derniers comptes annuels ou intermédiaires publiés de la société visée. En outre, le conseil d’administration de la société visée est tenu de fournir des informations sur les modifications importantes du patrimoine, de la situation financière, des résultats et des perspectives commerciales intervenues depuis la publication des derniers comptes annuels ou intermédiaires de la société visée. La société visée est tenue de publier un rapport intermédiaire actualisé au plus tard dix jours de bourse avant l’échéance de l’offre ; à défaut, l’offre est prolongée en conséquence (cf. décision 883/01 du 25 septembre 2024 dans l’affaire Athris AG, consid. 7.4 et les références citées).
[43] Les derniers comptes annuels de ENR ont été arrêtés au 31 décembre 2023, soit plus de six mois avant l’échéance du délai d’offre, en principe le 5 novembre 2024 (cf. prospectus, let. L). Toutefois, ENR a publié ses résultats semestriels le 23 août 2024, soit plus de dix jours de bourse avant cette échéance. Le rapport du conseil d’administration précise en outre que celui-ci n’a pas connaissance de changements importants dans les actifs, la situation financière, les résultats opérationnels ou les perspectives commerciales de ENR depuis le 30 juin 2024 susceptibles d’influencer la décision des actionnaires de ENR concernant l’offre (cf. rapport du conseil d’administration, ch. 8).
[44] Les exigences de la pratique de la Commission sont dès lors respectées (cf. décision 883/01 du 25 septembre 2024 dans l’affaire Athris AG, consid. 7.4 et les références citées).
8.6 Autres informations
[45] Pour le surplus, le rapport contient les informations exigées par les dispositions du droit des offres publiques d’acquisition.
9. Durée de l’offre
[46] Valartis conclut à une réduction du délai d’offre à dix jours de bourse (cf. supraH).
[47] Selon l’art. 14 al. 3, 2ème, OOPA la durée minimale de l’offre peut être réduite de vingt à dix jours de bourse si l’offrant détient avant la publication de l’offre la majorité des droits de vote de la société visée et que le rapport du conseil d’administration de la société visée est publié dans le prospectus.
[48] Au jour de la publication de l’annonce préalable, Valartis et les personnes agissant de concert avec elle détenaient 98.2% du capital-actions et des droits de vote de ENR (cf. supraG), soit une participation largement majoritaire. Il est par ailleurs prévu que le rapport du conseil d’administration de ENR soit publié dans le prospectus de l’offre de Valartis. Il s’ensuit que la durée de l’offre peut être réduite à dix jours de bourse. Il est donc fait droit à la demande de Valartis.
10. Publication
[49] La présente décision sera publiée sur le site Internet de la Commission le jour de la publication du prospectus (art. 138 al. 1 LIMF en relation avec l’art. 65 al. 1 OOPA).
11. Emolument
[50] En vertu de l’art. 117 al. 2 OIMF, l’émolument prélevé par la Commission pour l’examen d’une offre est calculé proportionnellement à la valeur de la transaction. Tous les titres et dérivés de participation visés par l’offre sont pris en compte, de même que les titres acquis par l’offrant et les personnes agissant de concert avec lui dans les douze mois précédant la publication de l’offre ainsi que les titres qu’ils acquièrent depuis la publication de l’annonce préalable (cf. décision 883/01 du 25 septembre 2024 dans l’affaire Athris AG, consid. 10 ; décision 872/01 du 30 mai 2024 dans l’affaire Lalique Group AG, consid. 10). En principe, l’émolument s’élève au minimum à CHF 50'000 et n’excède pas CHF 250'000 (art. 117 al. 3, 1ère, OIMF). Dans des cas particuliers, l’émolument peut être augmenté ou réduit dans des proportions pouvant aller jusqu’à 50%, selon l’ampleur et la difficulté de la transaction (art. 117 al. 3, 2èmephr., OIMF).
[51] Selon le prospectus, l’offre de Valartis porte sur un total de 44'369 actions ENR, au prix de CHF 5.60 par action ENR. Au cours des douze mois précédant la publication de l’annonce préalable, Valartis a acquis un total de 892'703 actions ENR au prix de CHF 5.59 par action ENR. Valartis et les personnes agissant de concert avec elle ont également acquis, au cours de cette même période, 7'669 actions ENR, pour un prix maximum de CHF 5.55 par action ENR. Depuis la publication de l’annonce préalable de son offre, Valartis et les personnes agissant de concert avec elle ont procédé à l’acquisition de 1'949 actions ENR, pour un prix maximum de CHF 5.60 par action ENR.
[52] Il découle de ce qui précède que la valeur totale de la transaction s’élève à CHF 5'292'153. En application de l’art. 117 al. 2 à 4 OIMF, l’émolument mis à la charge de l’offrante est fixé à CHF 50'000.
La Commission des OPA décide :
1. | L’offre de Valartis SA portant sur les actions de ENR Russia Invest SA est conforme aux dispositions légales et réglementaires en matière d’offres publiques d’acquisition. |
2. | La durée de l’offre de Valartis SA portant sur les actions de ENR Russia Invest SA est réduite à dix jours de bourse. |
3. | La présente décision sera publiée sur le site Internet de la Commission des OPA le jour de la publication du prospectus. |
4. | Valartis SA acquittera un émolument de CHF 50'000. |
La présidente :
Mirjam Eggen
Notification aux parties :
- | Valartis SA, représentée par Mes Simone Ehrsam et Tino Gaberthüel, Lenz & Staehelin SA, Zurich; |
- |
ENR Russia Invest SA, représentée par Mes Andreas Hinsen et Daniel Raun, Advestra SA, Zurich. |
Communication :
- | Ernst & Young SA, organe de contrôle. |
Recours (art. 140 de la loi sur l’infrastructure des marchés financiers, RS 958.1)
Un recours contre la présente décision peut être formé dans un délai de cinq jours de bourse auprès de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers FINMA, Laupenstrasse 27, CH-3003 Berne. Le délai commence à courir le premier jour de bourse suivant la notification de la décision. Le recours doit respecter les exigences des art. 140 al. 2 LIMF et 52 PA (RS 172.021).
Opposition (art. 58 de l’ordonnance sur les OPA, RS 954.195.1)
Un actionnaire qui détient au minimum 3% des droits de vote, exerçables ou non, de la société visée (actionnaire qualifié, art. 56 OOPA) et qui n’a pas participé à la procédure peut former opposition contre la présente décision. L’opposition doit être déposée auprès de la Commission des OPA dans les cinq jours de bourse suivant la publication du dispositif de la présente décision. Le délai commence à courir le premier jour de bourse après la publication. L’opposition doit comporter une conclusion, une motivation sommaire et la preuve de la participation de son auteur conformément à l’art. 56 al. 3 et 4 OOPA (art. 58 al. 4 OOPA).