SWISS TAKEOVER BOARD

Transactions

0793 - Vetropack Holding AG

Décision 793/01 du 10 août 2021

Requête de Cornaz AG-Holding relative à la constatation de l’inexistence de l’obligation de présenter une offre aux actionnaires de Vetropack Holding SA  

Faits :

A.
Vetropack Holding SA (Vetropack) est une société anonyme de droit suisse dont le siège se trouve à Saint-Prex et qui est inscrite au registre du commerce du canton de Vaud sous le numéro CHE-100.369.552. Vetropack a pour but l’acquisition, l’administration et la vente de participations, en particulier dans le domaine de la verrerie. Son capital-actions s’élève à CHF 19'824'000, divisé en (i) 13'774'000 actions nominatives de catégorie A d’une valeur nominale de CHF 1.00 chacune, entièrement libérées (les actions Vetropack de catégorie A), et (ii) 30'250'000 actions nominatives liées de catégorie B, à droit de vote privilégié, d’une valeur nominale de CHF 0.20 chacune, entièrement libérées (les actions Vetropack de catégorie B et, avec les actions Vetropack de catégorie A, les actions Vetropack). Les actions Vetropack de catégorie A sont cotées auprès de SIX Swiss Exchange (SIX) sur le segment Swiss Reporting Standard (symbole de valeur : VETN ; ISIN : CH0530235594). Les actions Vetropack de catégorie B ne sont pas cotées en bourse.

Aux termes de l’art. 12 des statuts de Vetropack, chaque action Vetropack donne droit à une voix (act. 1/8, p. 4). Les statuts de Vetropack ne contiennent pas de clause d’opting out ni de clause d’opting up.

Le conseil d’administration de Vetropack est actuellement composé de Claude Cornaz, Richard Fritschi, Sönke Bandixen, Pascal Cornaz, Rudolf Fischer, Urs Kaufmann et Jean-Philippe Rochat.

B.
Selon les informations disponibles auprès de l’Instance pour la publicité des participations de SIX, depuis le 5 mai 2021, Cornaz AG-Holding, Oberrieden (CoHo ; cf. infra let. E), et La Licorne Holding SA, Martigny, détiennent, comme actionnaires directs, 3'246'710 actions Vetropack de catégorie A, représentant 7.3749% des droits de vote de Vetropack, ainsi que 30'250'000 actions Vetropack de catégorie B, représentant 68.7125% des droits de vote de Vetropack.

Les ayants droit économiques de ces participations sont Jean-Luc Cornaz, Bülach, Claude R. Cornaz, Bülach, Beatrice Cornaz-Eigenmann, Bülach, Catherine Melanie Cornaz, Bülach, Lucien Maurice Cornaz, Bülach, Marc-Antoine Cornaz, Bülach, Michel Cornaz, Oberrieden, Gabrielle Käser-Cornaz, Tagelswangen, Jacqueline Fritschi-Cornaz, Oberrieden, Yvonne Cornaz Weishaupt, Oberrieden, Verena Cornaz-Pestalozzi, Zurich, Françoise Mehr-Cornaz, Bülach, Suzanne Cornaz, Bülach, Nicole Cornaz, Bülach, Elisabeth Leon-Cornaz, Saint-Prex, Pierre-André Cornaz, Saint-Prex, Pascal Cornaz, Les Paccots, Carole D'Orazio-Cornaz, San Giustino, Italie, Laurence Leon Racine, Echichens, et Christian Cornaz, Lavigny.

C.
CoHo, Pascal Cornaz, Pierre André Cornaz, Christian Cornaz, Elisabeth Leon Cornaz, Laurence Leon Racine et La Licorne Holding SA sont liés par une convention d’actionnaires concernant Vetropack (la Convention d’Actionnaires). Cette Convention, qui existe depuis 1966, a été entièrement révisée, pour la dernière fois, le 9 mars 2020, et complétée d’un avenant le 3 mai 2021.

En substance, la Convention d’Actionnaires prévoit que les parties s'engagent à participer ou à se faire représenter aux assemblées générales de Vetropack et à y voter selon les décisions prises préalablement selon l’art. 4 de la Convention d’Actionnaires (art. 3.1 de la Convention d’Actionnaires ; act. 1/4). L’art. 4.1 de la Convention d’Actionnaires dispose que préalablement à chaque assemblée générale de Vetropack, les parties se réunissent pour discuter et décider d’une position commune à adopter en relation avec les points portés à l’ordre du jour de l’assemblée (id.). Les décisions sont prises à la majorité absolue des voix des actionnaires parties à la Convention d’Actionnaires, chaque action Vetropack donnant droit à une voix (art. 4.3).

La Convention d’Actionnaires comporte des restrictions de transfert des actions Vetropack (cf. art. 5 à 7 de la Convention d’Actionnaires ; act. 1/4). Elle ne prévoit en revanche pas de droit de veto ni de clause apparentée restreignant l’exercice du contrôle. Elle ne prévoit pas non plus de disposition relative à la constitution et la nomination du conseil d’administration de Vetropack.

D.
Les actions Vetropack détenues par les actionnaires parties à la Convention d’Actionnaires ne sont pas toutes visées par cette Convention. Depuis le 3 mai 2021, CoHo dispose de 23'083'750 actions Vetropack de catégorie B, visées par la Convention d’Actionnaires, ainsi que de 4'430'100 actions Vetropack de catégorie B et 2'627'040 actions Vetropack de catégorie A, lesquelles ne sont pas l’objet de la Convention d’Actionnaires (cf. act. 1/3 et 1/7). La participation globale de CoHo représente 68.46% des droits de vote et 41.01% du capital-actions de Vetropack. Elle correspond à 87.31% des droits de vote découlant des actions Vetropack visées par la Convention d’Actionnaires. Les autres actionnaires parties à la Convention d’Actionnaires disposent d’une participation cumulée de 618'670 actions Vetropack de catégorie A et 2'736'150 actions Vetropack de catégorie B, toutes visées par la Convention d’Actionnaires, représentant, au total, 7.6204% des droits de vote et 5.8813% du capital-actions de Vetropack (id.).

E.
CoHo est une société anonyme de droit suisse dont le siège se trouve à Oberrieden et qui est inscrite au registre du commerce du canton de Zurich sous le numéro CHE-102.543.401. Son capital-actions s’élève à CHF 1'000'000, divisé en 1'000 actions nominatives d’une valeur nominale de CHF 1'000 chacune (les actions CoHo). CoHo est actuellement détenue par quinze actionnaires de famille, parmi lesquels Jean-Luc Cornaz et Marc-Antoine Cornaz. Le premier détient 145 actions CoHo, correspondant à 14.5% des droits de vote de cette société. Le second détient 144 actions CoHo, correspondant à 14.4% des droits de vote de cette société. Les treize autres actionnaires de CoHo détiennent une participation qui oscille entre 5 actions CoHo et 110 actions CoHo, représentant entre 0.5% et 11.00% des droits de vote de CoHo (act. 2 et 3).

Le conseil d’administration de CoHo se compose de cinq membres, dont Jean-Luc Cornaz fait actuellement partie. Marc-Antoine Cornaz n’assume actuellement aucune fonction exécutive au sein de CoHo.

F.
Les actionnaires de CoHo sont liés par une convention d’actionnaires. Celle-ci règle notamment la gestion de CoHo (cf. art. 6 à 9 de la convention d’actionnaires concernant CoHo ; act. 1/10) et, indirectement, l’exercice des droits de CoHo dans Vetropack qui découlent de sa qualité d’actionnaire. La convention d’actionnaires concernant CoHo prévoit ainsi que les parties s’efforcent d’adopter leurs résolutions à l’unanimité (art. 6, 1ère phr., de la convention d’actionnaires concernant CoHo ; act. 1/10). A défaut, elles exercent leurs droits de vote proportionnellement à leur participation au capital (art. 6, 2ème phr., de la convention d’actionnaires concernant CoHo ; act. 1/10). Les résolutions sont adoptées à la majorité des voix présentes et représentées (art. 6, 3ème phr., de la convention d’actionnaires concernant CoHo ; act. 1/10). Par ailleurs, préalablement à chaque assemblée générale de Vetropack, une assemblée des parties à la convention d’actionnaires concernant CoHo est organisée, l’exercice des droits de vote de CoHo étant déterminé selon l’art. 6 de la convention d’actionnaires concernant CoHo (art. 12 de la convention d’actionnaires concernant CoHo ; act. 1/10). Une modification importante de la participation de CoHo dans Vetropack doit être soumise à une assemblée des parties à la convention d’actionnaires concernant CoHo, la décision étant prise conformément à l’art. 6 de la convention d’actionnaires concernant CoHo (art. 10 de la convention d’actionnaires concernant CoHo ; act. 1/10).

La convention d’actionnaires concernant CoHo prévoit, s’agissant de la constitution et la nomination du conseil d’administration de CoHo, que des actionnaires représentant au moins un sixième du capital de cette société sont en droit de proposer un membre du conseil d’administration de CoHo (art. 8, 1ère phr., de la convention d’actionnaires concernant CoHo ; act. 1/10). Les autres actionnaires ne peuvent s’opposer à ce choix qu’en vertu d’un juste motif (art. 8, 2ème phr., de la convention d’actionnaires concernant CoHo ; act. 1/10). La convention d’actionnaires concernant CoHo ne prévoit pas de limitation quant à la composition du conseil d’administration de CoHo ; seule une clause statutaire restreint le nombre de membres du conseil à sept membres (cf. art. 8, 3ème phr., de la convention d’actionnaires concernant CoHo ; act. 1/10).

Enfin, la convention d’actionnaires concernant CoHo prévoit des restrictions de transfert des actions CoHo (art. 13 s. de la convention d’actionnaires concernant CoHo ; act. 1/10).

G.
Jean-Luc Cornaz envisage de se retirer de CoHo et, ce faisant, de renoncer à sa qualité d’actionnaire de cette société. Marc-Antoine Cornaz envisage de réduire sa participation dans CoHo à hauteur de 18 actions CoHo ; celle-ci passerait alors de 144 actions CoHo (cf. supra let. E) à 126 actions CoHo.

A ces fins, il est notamment prévu que CoHo rachète à Jean-Luc Cornaz ses 145 actions CoHo (cf. supra let. E) au moyen de la vente à Jean-Luc Cornaz d’un nombre équivalent d’actions Vetropack de catégorie A qu’elle détient à l’occasion d’un processus d’Accelarated Bookbuilding, soit 800'000 actions Vetropack de catégorie A (cf. act. 1/12, p. 2, 4 et 8). Dans ce contexte, la vente de 10% du capital-actions de Vetropack, soit 1'982'401 actions Vetropack de catégorie A, est envisagée par CoHo (cf. act. 1/1, p. 4). Il est également prévu que CoHo octroie un prêt à Jean-Luc Cornaz pour financer l’achat considéré des 800'000 actions Vetropack de catégorie A (cf. act. 1/12, p. 2 et 15 ss). Le prêt doit ensuite être compensé avec le prix payé par CoHo pour l’achat des 145 actions CoHo ; il doit au surplus être garanti par un nantissement sur les 800'000 actions Vetropack de catégorie A cédées à Jean-Luc Cornaz (cf. act. 1/12, p. 26 ss).

Il est ensuite prévu que les 145 actions CoHo rachetées par CoHo soient annulées dans le cadre d’une réduction de capital (cf. act. 1/12, p. 5 et 9). Il incombera à Jean-Luc Cornaz de se retirer de la convention d’actionnaires concernant CoHo à compter de l’inscription de la réduction de capital correspondante au registre du commerce (cf. act. 1/12, p. 10 s.), et de démissionner de ses fonctions de membre du conseil d’administration de CoHo avec effet à la prochaine assemblée générale ordinaire de CoHo (cf. act. 1/12, p. 11).

En parallèle, afin de permettre à Marc-Antoine Cornaz de réduire sa participation dans CoHo, il est prévu que CoHo rachète à Marc-Antoine Cornaz les 18 actions CoHo dont il envisage l’aliénation et que le prix d’achat soit financé par la vente, par CoHo, d’un nombre équivalent d’actions Vetropack de catégorie A (cf. act. 1/13, p. 3). Les 18 actions CoHo rachetées par CoHo à Marc-Antoine Cornaz seront ensuite annulées dans le cadre d’une réduction de capital (cf. act. 1/13, p. 2 et 5).  

H.
Le 27 juillet 2021, CoHo a déposé auprès de la Commission des OPA (la Commission) une requête tendant à faire constater que la sortie de Jean-Luc Cornaz de CoHo, d’une part, et la réduction de la participation détenue par Marc-Antoine Cornaz dans CoHo, d’autre part, ne déclencheraient pas l’obligation de présenter une offre aux actionnaires de Vetropack (la Requête ; act. 1/1). Plus spécifiquement, les conclusions de la Requête sont les suivantes :

«1. Es sei festzustellen, dass das Ausscheiden von Jean-Luc Cornaz aus der gegenwärtigen Gruppe von Aktionären der Gesellschaft um die Coho durch Kapitalherabsetzung um 145 Aktien an der Coho und die Reduktion der Beteiligung von Marc Antoine Cornaz an der Coho von gegenwärtig 144 Aktien um 18 durch Kapitalherabsetzung zu vernichtende Aktien auf 126 Aktien, keine Angebotspflicht auslösen, eventualiter sei eine Ausnahme von der Angebotspflicht gem. Art. 136 Abs. 1 FinfraG zu gewähren;

2. Es sei die Veröffentlichung der Verfügung mit der Coho zu koordinieren, so dass dies gleichzeitig mit der Unterzeichnung des Vertrags mit Jean-Luc Cornaz und Marc Antoine Cornaz erfolgen kann.»

I.
Sur interpellation de la Commission du 30 juillet 2021 (act. 2), CoHo a, par courriel du même jour, renseigné la Commission sur certains éléments de la Requête (act. 3).

J.
Le 3 août 2021, la Requête a été transmise à Vetropack pour détermination (act. 4). Le 9 août 2021, Vetropack a renoncé à se déterminer (act. 6).

K.
Une délégation de la Commission formée de Thomas A. Müller (président), Thomas Rufer et Mirjam Eggen a été constituée pour se prononcer sur la Requête.

 

Droit :

1.  Recevabilité de la Requête

[1] Selon l’art. 25 al. 2 PA (en relation avec l’art. 139 al. 1 LIMF), l’autorité compétente donne suite à une demande de constatation si le requérant prouve qu’il a un intérêt digne de protection, à savoir un intérêt actuel de droit ou de fait à la constatation de l’existence ou de l’inexistence d’un rapport de droit (cf. ATF 132 V 166, consid. 7 ; ATF 129 V 289, consid. 2.1). En matière d’offre publique d’acquisition, la pratique exige par ailleurs du requérant qu’il démontre l’existence d’une incertitude juridique directe et actuelle, à laquelle une décision de constatation est propre à remédier (cf. décision 787/01 du 7 avril 2021 dans l’affaire com N.V. consid. 2 et les références citées).

[2] La Requête porte sur la question de savoir si le retrait de Jean-Luc Cornaz en tant qu’actionnaire de CoHo et la réduction de la participation de Marc-Antoine Cornaz dans CoHo entraîneraient l’obligation de présenter une offre aux actionnaires de Vetropack.

[3] Il existe une incertitude juridique directe et actuelle en relation avec la portée de modifications intervenant dans la composition du groupe de contrôle de Vetropack, liées en l’occurrence au retrait de Jean-Luc Cornaz de CoHo et à la réduction de la participation de Marc-Antoine Cornaz dans CoHo, à laquelle une décision de constatation est propre à remédier. CoHo dispose d’un intérêt direct et actuel à ce que soient levées les incertitudes juridiques y relatives. Partant, la Requête est recevable et la Commission entre en matière.

2.  Modifications dans la composition d’un groupe organisé dans un dessein de contrôle de la société visée

2.1 Introduction

[4] La Commission est chargée de déterminer si le retrait de Jean-Luc Cornaz de CoHo et, corrélativement, la perte de sa qualité d’actionnaire de cette société, et la réduction de la participation de Marc-Antoine Cornaz dans CoHo constituent des modifications dans l’organisation du groupe de contrôle de Vetropack telles qu’elles déclenchent l’obligation de présenter une offre aux actionnaires de Vetropack selon l’art. 135 al. 1 LIMF. La Commission rappellera d’abord les dispositions applicables (cf. infra2.2) ainsi que la pratique déterminante (cf. infra consid. 2.3), avant d’examiner ces questions dans le cas d’espèce (cf. infra consid. 2.4).

2.2 Dispositions applicables

[5] Conformément à l’art. 135 al. 1 LIMF, quiconque, directement, indirectement ou de concert avec des tiers, acquiert des titres de participation qui, ajoutés à ceux qu’il détient, lui permettent de dépasser le seuil de 33⅓% des droits de vote (même non susceptibles d’exercice) de la société visée doit présenter une offre portant sur tous les titres de participation cotés de cette société.

[6] La notion d’action de concert selon l’art. 135 al. 1 LIMF est précisée à l’art. 33 OIMF-FINMA, lequel prévoit que l’art. 12 al. 1 OIMF-FINMA s’applique aux personnes qui acquièrent, de concert ou en groupe organisé, dans le but de la contrôler, des participations de la société visée soumises à offre obligatoire. Ainsi, quiconque accorde son comportement avec celui de tiers, par contrat, par d’autres mesures prises de manière organisée ou par la loi, pour contrôler une société, est réputé agir de concert avec des tiers ou constituer un groupe organisé.

[7] Les statuts de Vetropack ne comportant pas de clause d’opting out au sens de l’art. 125 al. 3 et 4 LIMF (cf. supraA), les dispositions relatives à l’offre obligatoire sont applicables in casu.

2.3 Pratique de la Commission

[8] La Commission ne retient l’existence d’un groupe organisé ou d’une action de concert tendant à la prise de contrôle d’une société cotée que lorsqu’elle constate non seulement la possibilité concrète d’influencer la gestion de la société, mais également une prise de contrôle en commun, notamment en présence d’accords portant sur l’exercice des droits de vote, sur la composition du conseil d’administration, ou sur une stratégie commune (cf. décision 787/01 du 7 avril 2021 dans l’affaire com N.V. consid. 3.3 et les références citées).

[9] Le dessein de prise de contrôle est apprécié à l’aune d’un critère objectif (cf. décision 787/01 du 7 avril 2021 dans l’affaire com N.V. consid. 3.3 et les références citées). Ce dessein est avéré si le contrôle est objectivement possible et que, sur la base des circonstances et des accords en présence, il peut être établi que les parties voulaient effectivement parvenir à une prise de contrôle (id.). L’existence d’un groupe organisé pour contrôler une société suppose que les membres du groupe se soumettent à sa volonté et en adoptent les règles. En principe, un accord d’une certaine durée est nécessaire (id.).

[10] Une modification dans la composition d’un groupe organisé existant peut déclencher l’obligation de présenter une offre (cf. décision 645/01 du 18 novembre 2016 dans l’affaire Vontobel Holding AG, consid. 2.3 ; décision 446/01 du 30 juin 2010 dans l’affaire Advanced Digital Broadcast Holdings SA, consid. 1). Ainsi, lorsque des mutations surviennent dans l’organisation d’un groupe organisé, par exemple par l’entrée ou la sortie d’un membre, ou par des transferts de titres au sein du groupe, et que ces mutations revêtent une importance telle que, du point de vue des actionnaires minoritaires de la société visée, ceux-ci se trouvent confrontés à de nouveaux actionnaires ou à une nouvelle stratégie, l’ancien groupe est réputé dissous et remplacé par un nouveau groupe. L’obligation de présenter une offre suppose que les rapports de contrôle au sein du groupe changent de manière essentielle et que le résultat équivaille à un transfert du contrôle de la société (cf. décision 645/01 du 18 novembre 2016 dans l’affaire Vontobel Holding AG, consid. 2.3 ; décision 446/01 du 30 juin 2010 dans l’affaire Advanced Digital Broadcast Holdings SA, consid. 1).

[11] Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, reprise par la Commission, la sortie d’un membre d’un groupe organisé ne déclenche en principe pas l’obligation de présenter une offre aux actionnaires de la société visée, pour autant que le membre sortant conserve avec lui ses titres de participation (cf. ATF 130 II 530, consid. 6.2.1 et 7.5.3 ; décision 645/01 du 18 novembre 2016 dans l’affaire Vontobel Holding AG, consid. 2.2.1 et 2.3).

2.4 Analyse au cas d’espèce

2.4.1 Remarques préliminaires

[12] Les actionnaires de Vetropack parties à la Convention d’Actionnaires (cf. supraC) forment un groupe organisé qui, avec une participation représentant 76.08% des droits de vote de Vetropack (cf. supra let. B et D), contrôle Vetropack (le groupe de référence de Vetropack). CoHo dispose, au sein du groupe de référence de Vetropack, d’une participation largement majoritaire. Elle détient en effet 68.46% des droits de vote de Vetropack et contrôle 87.31% des droits de vote découlant des actions Vetropack visées par la Convention d’Actionnaires (cf. supra let. D).

[13] CoHo est à son tour contrôlée par un groupe organisé de quinze actionnaires, dont Jean-Luc Cornaz à hauteur de 14.5% des droits de vote et Marc-Antoine Cornaz à hauteur de 14.4% des droits de vote (cf. supraE). La sortie de Jean-Luc Cornaz et la réduction de la participation de Marc-Antoine Cornaz s’effectueraient par la vente de leurs titres à CoHo, le prix d’achat étant financé par l’aliénation d’actions Vetropack de catégorie A détenues par CoHo jusqu’à concurrence de 10% des droits de vote et du capital-actions de Vetropack, dont 800'000 actions Vetropack de catégorie A à Jean-Luc Cornaz (cf. supra let. G).

[14] Il y a donc lieu d’examiner, dans un premier temps, si l’aliénation envisagée par CoHo d’actions Vetropack de catégorie A aux fins de permettre le rachat des 145 actions CoHo et 18 actions CoHo respectivement détenues par Jean-Luc Cornaz et Marc-Antoine Cornaz entraîne des changements substantiels dans les rapports de contrôle concernant Vetropack (cf. infra2.4.2). Dans un second temps, il convient d’examiner si la sortie de Jean-Luc Cornaz de CoHo et l’annulation de ses actions CoHo par le biais d’une réduction de capital constitue une mutation dans la composition du groupe de contrôle de CoHo telle qu’elle aboutit à la dissolution de ce groupe et à la formation d’un nouveau groupe de contrôle, entraînant une modification des rapports de contrôle concernant Vetropack (cf. infra consid. 2.4.3). Enfin, il y a lieu d’analyser si la réduction de la participation de Marc-Antoine Cornaz au sein de CoHo représente une modification substantielle dans les rapports de contrôle concernant CoHo et, indirectement, Vetropack (cf. infra consid. 2.4.4).

2.4.2 Vente envisagée par CoHo d’actions Vetropack de catégorie A

[15] Il est prévu que le rachat des 145 actions CoHo et 18 actions CoHo respectivement détenues par Jean-Luc Cornaz et Marc-Antoine Cornaz soit financé par l’aliénation de 2'627'041 actions Vetropack de catégorie A en mains de CoHo (cf. supraG). Cette aliénation ne saurait toutefois influer sur le contrôle exercé par CoHo au sein du groupe de référence de Vetropack. En dépit de l’aliénation de ses actions Vetropack de catégorie A, lesquelles ne sont pas l’objet de la Convention d’Actionnaires, CoHo contrôlerait toujours 87.31% des droits de vote découlant des actions Vetropack visées par la Convention d’Actionnaires (cf. supra let. D). Par ailleurs, le groupe de référence de Vetropack exercerait toujours le contrôle de Vetropack avec une participation, certes quelque peu réduite, représentant 71.58% des droits de vote de Vetropack.

[16] Partant, l’aliénation de 2'627'041 actions Vetropack de catégorie A en mains de CoHo n’entraînerait pas de changements substantiels dans les rapports de contrôle concernant Vetropack et ne déclencherait pas l’obligation de présenter une offre aux actionnaires de Vetropack selon l’art. 135 al. 1 LIMF.

2.4.3 Sortie de Jean-Luc Cornaz de CoHo et perte de sa qualité d’actionnaire

[17] Il est prévu que Jean-Luc Cornaz se retire de CoHo et que les 145 actions CoHo qu’il détient soient rachetées par CoHo, puis annulées dans le cadre d’une réduction de capital (cf. supraG). La perte de la qualité d’actionnaire de Jean-Luc Cornaz irait de pair avec sa démission du conseil d’administration de CoHo et son retrait de la convention d’actionnaires concernant CoHo (id.).

[18] La jurisprudence du Tribunal fédéral, entérinée par la Commission, selon laquelle la sortie d’un membre d’un groupe organisé dans un dessein de contrôle ne déclenche en principe pas l’obligation de présenter une offre aux actionnaires de la société visée, si le membre sortant emporte avec lui ses titres (cf. supra[11]), doit s’appliquer par analogie dans l’hypothèse où les titres concernés sont annulés, pour autant que les participations respectives des membres résiduels du groupe existant ne subissent pas de modifications notables et que les rapports de contrôle au sein du groupe ne changent pas de manière essentielle.

[19] En l’espèce, le retrait de Jean-Luc Cornaz aurait pour effet d’augmenter la participation détenue par les quatorze autres actionnaires du groupe de contrôle de CoHo proportionnellement à la suppression des 145 actions CoHo cédées par Jean-Luc Cornaz à CoHo. Compte tenu de cette suppression et eu égard à la suppression également envisagée de 18 actions CoHo détenues par Marc-Antoine Cornaz (cf. infra2.4.4), la participation respective des autres membres du groupe de contrôle de CoHo, actuellement comprise entre 0.5% et 11.00% des droits de vote de CoHo, augmenterait entre 0.1% et 2.14% des droits de vote de CoHo et serait alors comprise entre 0.6% et 13.14% des droits de vote de CoHo (cf. act. 2 et 3). La participation de Marc-Antoine Cornaz passerait de 14.4% à 15.05% des droits de vote de CoHo (id.).

[20] Les modifications considérées dans les participations détenues par les membres du groupe de contrôle de CoHo ne peuvent être considérées comme notables. Aucun membre du groupe de contrôle de CoHo n’est en mesure de contrôler unilatéralement l’exercice des droits de CoHo découlant de sa qualité d’actionnaire de Vetropack. La suppression des actions CoHo détenues par Jean-Luc Cornaz ne changerait pas cet état de fait (cf. supraF). De même, aucun membre du groupe de contrôle de CoHo n’est au bénéfice d’un droit de veto ou ne peut influencer seul la gestion de CoHo et, indirectement, celle de Vetropack (id.). Les clauses de la convention d’actionnaires concernant CoHo ne permettent donc pas de retenir l’existence d’un contrôle de Vetropack autrement qu’en commun (id.).

[21] Il découle de ce qui précède que la perte de la qualité d’actionnaire de Jean-Luc Cornaz dans CoHo par suite de la vente, à CoHo, des 145 actions qu’il détient dans cette société, suivie de l’annulation de ces actions par une réduction de capital de CoHo, ne constitue pas une mutation essentielle dans les rapports de contrôle concernant CoHo et, indirectement, Vetropack, et ne déclenche pas l’obligation de présenter une offre aux actionnaires de Vetropack selon l’art. 135 al. 1 LIMF.

2.4.4 Réduction de la participation détenue par Marc-Antoine Cornaz au sein de CoHo

[22] Il est prévu que Marc-Antoine Cornaz réduise la participation qu’il détient au sein de CoHo à hauteur de 18 actions CoHo ; sa participation passerait alors de 144 à 126 actions CoHo. Les 18 actions CoHo seraient rachetées par CoHo, puis annulées dans le cadre d’une réduction de capital (cf. supraG). Compte tenu de la suppression également envisagée des 145 actions CoHo détenues par Jean-Luc Cornaz (cf. supra let. G et consid. 2.4.3), la participation de Marc-Antoine Cornaz augmenterait à hauteur de 0.65% des droits de vote de CoHo ; au terme de ces suppressions, Marc-Antoine Cornaz détiendrait 15.05% des droits de vote de CoHo (cf. act. 2 et 3). L’augmentation de la participation de Marc-Antoine Cornaz dans CoHo par suite de la suppression des 145 actions CoHo détenues par Jean-Luc Cornaz est donc en grande partie compensée par la suppression concomitante de ses 18 actions CoHo. Au demeurant, la suppression des 18 actions CoHo a pour effet d’augmenter, au pro rata, la participation des autres actionnaires de CoHo, relativisant l’augmentation de la participation de Marc-Antoine Cornaz dans CoHo.

[23] Les modifications considérées dans les participations détenues par les membres du groupe de contrôle de CoHo ne peuvent être considérées comme notables, également pour les motifs exposés plus haut (cf. supra[20] en relation avec la sortie de Jean-Luc Cornaz de CoHo).

[24] Partant, la réduction de la participation de Marc-Antoine Cornaz au sein de CoHo à hauteur de 18 actions CoHo, suivie de l’annulation de ces actions dans le cadre d’une réduction de capital de CoHo, ne constitue pas un changement substantiel dans les rapports de contrôle concernant CoHo et ne déclenche pas l’obligation de présenter une offre aux actionnaires de Vetropack selon l’art. 135 al. 1 LIMF.

2.5 Conclusion

[25] Il découle de ce qui précède (cf. supra2.4.3 et 2.4.4) que la sortie de Jean-Luc Cornaz de CoHo et l’annulation de ses 145 actions CoHo, d’une part, et la réduction de la participation de Marc-Antoine Cornaz au sein de CoHo par l’annulation de 18 actions CoHo qu’il détient, d’autre part, ne conduisent pas à une modification essentielle dans les rapports de contrôle de Vetropack. Il en va de même de l’aliénation de 2'627'041 actions Vetropack de catégorie A en mains de CoHo aux fins de financer la transaction envisagée (cf. supra consid. 2.4.2). Par conséquent, ces opérations ne déclenchent pas l’obligation de présenter une offre publique d’acquisition aux actionnaires de Vetropack selon l’art. 135 al. 1 LIMF.

[26] Ces constatations se fondent exclusivement sur les projets d’accords soumis à l’examen de la Commission à l’appui de la Requête (cf. act. 1/12 et 1/13). Leur conformité est réservée. CoHo transmettra à la Commission copie des accords signés dans le cadre de la transaction envisagée.

[27] La Requête est donc admise selon les conclusions principales de CoHo. Dans ces conditions, les conclusions subsidiaires de CoHo se révèlent sans objet.

3.   Publication

[28] Après avoir entendu les parties, la Commission rend une décision et la publie sur son site internet (61 al. 1 et 2 OOPA). Selon l’art. 61 al. 3 OOPA, la société visée publie, le cas échéant, la prise de position de son conseil d’administration (lit. a), le dispositif de la décision de la Commission (lit. b), ainsi que le délai et les conditions dans lesquels un actionnaire qualifié peut former opposition contre celle-ci (lit. c).

[29] CoHo requiert la Commission de ne pas publier la présente décision avant que les contrats de vente des actions CoHo entre CoHo et Jean-Luc Cornaz, d’une part, et entre CoHo et Marc-Antoine Cornaz, d’autre part (cf. supraG), n’aient été conclus (cf. supra let. H). En l’espèce, au vu de l’intérêt manifeste de CoHo et des autres parties impliquées à ce que la publication de la transaction envisagée soit coordonnée avec celle de la présente décision, il est fait droit à la demande y relative. La présente décision ne sera donc pas publiée avant que la transaction envisagée ait été annoncée publiquement.

[30] Selon l’art. 61 al. 3 et 4 OOPA, Vetropack publiera le dispositif de la présente décision au plus tard trois jours de bourse après que la transaction envisagée aura été annoncée publiquement.

[31] La présente décision sera également publiée sur le site internet de la Commission le jour de la publication visée au chiffre marginal précédent (cf. art. 138 al. 1, 2ème, LIMF).

4.  Emolument

[32] En vertu de l’art. 118 al. 1, 1ère, OIMF, un émolument est prélevé pour l’examen de requêtes relatives à l’obligation de présenter une offre. Cet émolument s’élève, au plus, à CHF 50'000, selon l’ampleur et la difficulté de l’affaire (art. 118 al. 2 OIMF). En l’espèce, celle-ci fixe l’émolument à charge de CoHo à CHF 20'000.


La Commission des OPA décide :

1. Il est constaté que la sortie de Jean-Luc Cornaz de Cornaz AG-Holding par la vente, à Cornaz AG-Holding, des 145 actions qu’il détient dans cette société, suivie de l’annulation de ces actions par une réduction de capital de Cornaz AG-Holding, conformément aux projets d’accords soumis à l’examen de la Commission des OPA dans le cadre de la procédure, ne conduirait pas à l’obligation de présenter une offre publique d’acquisition aux actionnaires de Vetropack Holding SA.

2. Il est constaté que la réduction de la participation détenue par Marc-Antoine Cornaz au sein de Cornaz AG-Holding à concurrence de 18 actions de Cornaz AG-Holding, par la vente de ces actions à Cornaz AG-Holding, suivie de l’annulation de ces actions par une réduction de capital de Cornaz AG-Holding, conformément aux projets d’accords soumis à l’examen de la Commission des OPA dans le cadre de la procédure, ne conduirait pas à l’obligation de présenter une offre publique d’acquisition aux actionnaires de Vetropack Holding SA.

3. Cornaz AG-Holding transmettra à la Commission des OPA une copie des contrats signés dans le cadre de la transaction visée aux chiffres 1 et 2 du présent dispositif, au plus tard trois jours après la signature.

4. La présente décision ne sera publiée qu’après que la transaction visée aux chiffres 1 et 2 du présent dispositif aura été annoncée publiquement par Cornaz AG-Holding et / ou Vetropack Holding SA.

5. Vetropack Holding SA publiera le dispositif de la présente décision au plus tard trois jours de bourse après l’annonce publique de la transaction visée au chiffre 4 du présent dispositif.

6. La présente décision sera publiée sur le site internet de la Commission des OPA le jour de la publication par Vetropack Holding SA visée au chiffre 5 du présent dispositif.

7. L’émolument à charge de Cornaz AG-Holding est fixé à CHF 20'000.

 

 

Le président :

Thomas A. Müller

 

 

Notification aux parties :

  • Cornaz AG-Holding, représentée par Me Matthias Courvoisier, Baker McKenzie Zurich ;
  • Vetropack Holding SA.

 

 

 Recours (art. 140 de la loi sur l’infrastructure des marchés financiers, RS 958.1)

Un recours contre la présente décision peut être formé dans un délai de cinq jours de bourse auprès de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers FINMA, Laupenstrasse 27, CH-3003 Berne. Le délai commence à courir le premier jour de bourse suivant la notification de la décision. Le recours doit respecter les exigences des art. 140 al. 2 LIMF et 52 PA (RS 172.021).

 

Opposition (art. 58 de l’ordonnance sur les OPA, RS 954.195.1)

Un actionnaire qui détient au minimum 3% des droits de vote, exerçables ou non, de la société visée (actionnaire qualifié, art. 56 OOPA) et qui n’a pas participé à la procédure peut former opposition contre la présente décision. L’opposition doit être déposée auprès de la Commission des OPA dans les cinq jours de bourse suivant la publication du dispositif de la présente décision. Le délai commence à courir le premier jour de bourse après la publication. L’opposition doit comporter une conclusion, une motivation sommaire et la preuve de la participation de son auteur conformément à l’art. 56 al. 3 et 4 OOPA (art. 58 al. 4 OOPA).